Ecopast : projet de recherche sur les pâturages en espaces naturels et urbains

Ecopast : projet de recherche sur les pâturages en espaces naturels et urbains

8 juillet 2018 Par Olivier Bories

Projet de recherche sur l'éco-pastoralisme et l'éco-pâturage.

Université Toulouse Jean-Jaurès 2017  UMR CNRS LISST – Dynamiques Rurales   Durée du projet  Sept. 2017-Sept. 2019

ENSEIGNANTS-CHERCHEURS

Les notions d’éco-pastoralisme en espace naturel et d’éco-pâturage en milieu urbain sont de plus en plus mobilisées par les élus, les techniciens, voire la société civile pour mettre en avant des pratiques de gestion de l’espace supposées douces pour l’environnement. En l’absence de travaux de recherche approfondis sur le sujet, ce projet à caractère exploratoire vise à questionner ces pratiques dans leur dimension sociale, afin d’étudier l’opportunité de monter un projet de plus grande ampleur, incluant notamment des méthodes filmiques.

 

Présentation du projet

Contexte scientifique et citoyen : état de la question

Les pratiques de pâturage en milieu urbain ou naturel sont à la mode depuis quelques années. A titre d’exemple, l’association Entretien Nature Territoire organisait en mars 2017 ses troisièmes rencontres nationales de l’éco-pâturage et de l’animal en ville, qui regroupaient plus d’une centaine de participants. Dans un contexte de crise de confiance envers le modèle agricole productiviste et de montée en puissance des envies de nature, l’animal comme gestionnaire d’espace se trouve paré de multiples vertus : écologique, économique, source de lien social, de retour aux sources et à la tradition, voire clairement green-washer pour l’image des entreprises ou des collectivités. Face à cet engouement, pas ou peu de travaux scientifiques ou techniques. Les définitions même des termes d’éco-pastoralisme et d’éco-pâturage, ainsi que les pratiques associées, sont floues, poreuses, peu stabilisées, alors même que le nombre d’entreprises proposant leurs services dans le domaine ne cesse de croitre. Il apparaît donc nécessaire et urgent d’engager une démarche de recherche exploratoire pour décrire et analyser les implicites sociaux, techniques voire politiques associés à ces pratiques.

Brève présentation des attendus en matière de partenariat :

Les deux enseignants-chercheurs associés dans ce projet se sont intéressés à cette thématique pour des raisons liées à leurs trajectoires de recherche réciproques d’une part, et à leur activité pédagogique commune d’autre part. Si la question de la gestion des espaces naturels par le pâturage (que nous qualifierons ici d’écopastoralisme) n’est pas nouvelle, Corinne Eychenne a été amenée à se pencher sur la question en raison de l’émergence de questionnements plus spécifiquement pastoraux dans des démarches jusqu’alors surtout naturalistes. En témoignent les sollicitations d’éleveurs installés sur des espaces naturels dans l’ouest de la France et confrontés à l’absence de références et de conseils technico-économiques relatifs à leurs systèmes d’élevage, ou les stages régulièrement proposés aux étudiants de la Licence professionnelle Gestion et animation des espaces naturels et pastoraux (LP GAEMP) par des gestionnaires d’espaces naturels disposant de compétences naturalistes mais manquant de compétences pastorales.

Pour Olivier Bories, l’éco-pâturage introduit un changement important dans les pratiques d’entretien des espaces verts urbains. Avec l’animal qui tond et qui débroussaille, le pâturage urbain renforce le caractère écologique de la gestion raisonnée mise en place dans les collectivités. Au delà d’un registre technique à questionner, l’éco-pâturage paraît participer à la « ruralification » de la ville. Il fait partie des opérations d’agricultures urbaines qui se développent et qui « empaysagent » autrement l’espace urbain. L’éco-pâturage favorise d’une certaine manière le rapprochement de la ville et de la campagne, peut-être par une mise en scène folklorique. Il participe à la construction du projet agri-urbain qui propose de fabriquer la ville autrement, en s’appuyant sur une familiarité ave le monde agricole qui s’est estompée. C’est l’occasion pour le chercheur en aménagement d’interroger le projet de territoire et d’organiser le transferts des connaissances acquises dans les enseignements.

Sollicités en 2014 par l’association Entretien Nature Territoire pour apporter des éléments de définition et de clarification, ainsi que plus largement un regard SHS sur les échanges des deuxièmes rencontres de l’écopâturage, nous avons pris la mesure de l’intérêt d’ouvrir un champ d’investigation autour de ces thématiques, associé à la construction d’un partenariat associant recherche et enseignement.

Nous espérons donc dans le cadre de ce programme pouvoir renforcer nos partenariats récents avec l’association Entretien Nature Territoire d’une part, et les éleveurs des races de Bretagne d’autre part. Nous souhaitons également étudier la pertinence d’établir de nouveaux partenariats tant ave le monde de la recherche (Universités de l’Ouest notamment) que celui des praticiens (démarches PastoLoire et PastHorizons dans la région Centre, Clinamen,…) et des élus de collectivités (Toulouse métropole).

 

Bref descriptif scientifique du projet (problématique, méthode et terrains) :

En l’absence de travaux de sciences sociales sur la question, ce projet s’inscrit dans une perspective exploratoire visant à étudier la pertinence de le prolonger par un programme de plus grande envergure. Il s’inscrit donc dans une perspective empirique, à travers l’exploration d’études de cas nous permettant de caractériser les logiques des acteurs engagés dans des démarches de pâturage en espaces naturels et urbains. Nous souhaitons développer plus particulièrement l’analyse selon trois axes :

  • les trajectoires spécifiques d’installation liées à ces contextes (hors cadre familial, projets alternatifs) ;
  • les réserves foncières que constituent les espaces naturels et urbains ;
  • les rôles et fonctions attribuées à l’élevage dans le cadre de ces projets.

Ces questions recoupent en partie des travaux que nous avons déjà menés sur les espaces périurbains et de montagne dans le cadre de programmes achevés (PSDR A-GOUTER sur la territorialisation de l’action publique agricole) ou en cours (Programme SHS-Région AFPYR sur les associations foncières pastorales). Ces interrogations s’inscrivent aussi dans des projets qui commencent, autour de la thématique de l’agriculture intra-urbaine (Programme Fondation de France sur la zone agricole des quinze sols à Blagnac) et de l’insertion de l’animal dans le projet de paysage.

Il s’agit en effet de prolonger notre questionnement sur la redécouverte du saltus comme ressource agricole, notamment pour les plus démunis, ie les porteurs de projet hors cadre familial ne bénéficiant pas d’un héritage, dans un contexte de pression croissante sur les terres agricoles. Nous faisons l’hypothèse que les agriculteurs installés sur les surfaces mises à disposition par des gestionnaires d’espaces naturels ou par des collectivités se retrouvent engagés dans des jeux complexes de pouvoir comparables aux situations vécues par les agriculteurs installés sur des associations foncières pastorales ou sur des fermes Terre de Liens. Nous chercherons donc à analyser finement les trajectoires des agriculteurs installés dans ce type de système, la nature du contrat juridique et/ou moral qui les lie au gestionnaire des surfaces exploitées, les rapports de pouvoir mis en jeu, les représentations croisées de la valeur de ces surfaces comme ressources pastorales, environnementales, paysagères voire sociales, ainsi que les interactions avec les autres usagers de l’espace. Nous chercherons aussi à comprendre les motivations des pratiquants de ces opérations, investissant le champ de leurs représentations pour mieux omprendre leur rapport à l’agriculture, à l’élevage, à la « nature agricole » dans des milieux plutôt dédiés à la « nature naturelle » d’une part, et à l’habitat résidentiel ou à son développement d’autre part. In fine, en écho au cadre d’analyse que nous avons mis en œuvre sur les zones intermédiaires des espaces montagnards dans le cadre du programme AFPYR, il s’agit d’interroger conjointement :

  • la problématique foncière, le rapport à la propriété et à l’usage ;
  • les modèles promus en matière de gestion de l’espace et la valorisation/ production d’aménités
    environnementales, paysagères et sociales produites par la présence de troupeaux sur le territoire ;
  • les pratiques agricoles et le rôle attribué à l’agriculture sur le territoire ;
  • l’organisation des situations de co-présence ;
  • les systèmes d’acteurs et les relations de pouvoir.

 

Méthodologie :

  • Identification de 4 études de cas : pastoralisme sur landes et littoraux en Bretagne, pastoralisme sur bords de Loire en région Centre, pâturage urbain dans l’agglomération toulousaine + autre terrain urbain à définir : Lille ? Nantes ?)
  • Entretiens semi-directifs (éleveurs, prestataires, gestionnaires d’espaces, élus, associations)
  • Observation participante si possible

 

Perspectives :

Les premiers résultats obtenus ont pour objectif de poser les bases d’un programme plus ambitieux à travers l’identification :

  • des principales questions de recherche à approfondir ;
  • des partenariats scientifiques et techniques mobilisables ;
  • des méthodes à mettre en oeuvre, notamment à travers l’écriture filmique (projet de film recherche dans une deuxième phase). Il s’agirait de réaliser un film-recherche sur les pratiques et les pratiquants du pâturage en espaces naturels et urbains, de proposer un relevé de données inédit en images et en sons de ces opérations.

Par ailleurs, ce projet devrait également permettre de nourrir la réflexion en cours dans le cadre de la licence professionnelle Gestion et animation des espaces montagnards et pastoraux, qui a ouvert à la rentrée 2016 une option “écopastoralisme et écopâturage”, ainsi que de consolider la formation en agriculture urbaine déjà dispensée dans le cadre de la formation des enseignants techniques en aménagement de l’enseignement agricole.